l’essentiel
Alors que le mois sans alcool a commencé depuis quelques jours, le directeur de l’association Addictions France en Lot-et-Garonne fait le propos sur la consommation de ce produit dans notre département.
François Karkach est le directeur de l’antenne lot-et-garonnaise de l’association Addictions France (anciennement Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). Elle a pour but d’accompagner, de soigner et de prévenir les addictions. Alors que le mois sans alcool a commencé, il constate que le département est une zone géographique touchée depuis toujours par l’addiction à l’alcool.
Quel est votre sentiment sur cette cinquième édition française du mois sans alcool ?
Je ne peux qu’être d’accord avec notre président national Bernard Basset qui déplore que nous ne soyons pas soutenus par l’Etat pour cette action-là. Or l’association mène son combat non pas contre les alcooliers mais contre un danger potentiel pour le grand public. C’est une question de santé publique. En France, nous ne sommes pas distant des 50 000 décès évitables par an dus à l’alcool.
Le défi de janvier s’adresse au grand public qui a besoin d’une pause, de faire le propos. En gros : de reprendre la main sur ses habitudes de consommation. Les études scientifiques ont prouvé qu’après un mois d’arrêt, les personnes réduisent leur consommation d’alcool. Tout simplement par la prise de conscience.
"L’accessibilité au vin est très facile et peu chère"
Quelle est la situation en Lot-et-Garonne ?
Au niveau local, 55 % de notre public vient nous consulter pour ce produit. C’est plus de la moitié de notre file active (elle est constituée des gens inscrits dans une démarche de soin sur une année). Cela montre l’impact de l’usage de l’alcool dans notre vie au quotidien.
Et par rapport à d’autres départements ?
Nous sommes dans une zone géographique touchée depuis toujours par le phénomène. Il y a des appellations qui nous entourent. L’accessibilité au vin est très facile et peu chère. Si nous comparons les taxes sur le vin rouge et les taxes sur le tabac, nous comprenons tout de suite qu’un produit est traditionnellement privilégié dans notre culture.
Je ne suis pas contre le plaisir mais il est possible de se faire plaisir sans languir les conséquences néfastes de l’éthanol. Il y a des familles entières qui sont frappées par le décès d’un des leurs ou par une longue maladie ou par les conséquences sociales et financières de cet usage.
" La norme sociale dans notre pays est l’usage de l’alcool "
Est-ce qu’il y a une régression du nombre de personnes malades de l’alcool e Lot-et-Garonne ?
Malheureusement, nos chiffres sont stables. Il y a 6 ans, année de mon arrivée, le premier produit déclaré par 60 % de notre file active était l’alcool. Depuis, nous oscillons entre à 58 % et 55 %. Notre file active sera de plus de mille personnes en 2023 – le nombre n’est pas encore arrêté. De mémoire, elle était de 958 personnes en 2022.
Au niveau de la France, la consommation de vin rouge a baissé de manière phénoménale depuis les années « 50 ». Pour plusieurs raisons dont une est que nous avons aujourd’hui accès facilement à l’eau potable. Il n’en reste pas moins que la norme sociale dans notre pays est l’usage de l’alcool. Si je vais à une fête et que je ne bois pas d’alcool, je suis hors norme mais si je bois trop, je suis hors norme aussi.
Notre litige sur le territoire du Lot-et-Garonne est de sensibiliser les personnes sur les modes d’usage et de consommation de substances psychoactives, essentiellement l’alcool et le tabac. Pour ces deux produits, nous sommes à 120 000 décès évitables par an en France. Il y a quelques phénomènes où les jeunes consomment du protoxyde d’azote au Gravier mais ces phénomènes fluctuent avec le atmosphère. Ce n’est pas le cas de l’alcool.
Comment expliquer la consommation d’alcool ?
Il y a de multiples facteurs. Le premier est l’accessibilité du produit et sa place sociale. Nous sommes en France, on ne peut pas fêter un anniversaire, une naissance, un baptême ou l’obtention d’un diplôme sans ouvrir une bouteille. Il faut arroser. Et on arrose tout et n’importe quoi.
Des parents n’hésitent pas à ouvrir une bouteille d’un pétillant au jus de pomme avec leurs enfants une fête. Quel message transmet-on ainsi à la nouvelle génération ? Celui qu’on ne peut pas avoir du plaisir sans les bulles ou l’alcool ? Attention à l’usage que l’on donne à un produit dans notre quotidien.
Il faut miser sur l’éducation. Ce n’est pas l’interdit qui arrangera notre sujet. La prohibition avait donné des résultats catastrophiques. Il ne faut pas reproduire ce schéma-là. Si je fais le choix de ma consommation, il n’y a aucun problème. Mais si je consomme par besoin…